Entre violences, chaos politique et l’absence d’un allié clé, l’Algérie : Le Mali en péril

L’armée malienne a annoncé avoir neutralisé quatorze assaillants et interpellé trente-et-un présumés terroristes lors de cette opération
Le Mali, en proie à une insécurité croissante, une instabilité politique chronique et des tensions diplomatiques régionales, traverse une crise multidimensionnelle qui menace la stabilité du Sahel. En juin 2025, la situation sur le terrain est alarmante : attaques djihadistes meurtrières, retrait des forces étrangères, crise politique profonde… et un voisin clé, l’Algérie, dont l’absence ou la posture distante pèsent lourdement sur l’avenir du pays. 

Le 1er juin courant, un camp militaire malien situé à Boulkessi, dans la région centrale de Mopti, a été la cible d’une attaque particulièrement meurtrière revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al Qaïda. 

Selon des sources sécuritaires et locales, au moins 30 soldats ont été tués lors de ce raid, et le bilan pourrait être plus lourd. Le JNIM, via sa plateforme de propagande Al Zallaqa, a revendiqué la mort de plus de 100 militaires maliens et mercenaires, affirmant avoir saisi des armes, des véhicules et des munitions. 

Ces attaques répétées ont contraint l’armée malienne à se retirer du camp, abandonnant ainsi un de ses principaux points d’ancrage dans le centre du pays. Cette offensive s’inscrit dans une série d’attaques coordonnées visant à déstabiliser les forces gouvernementales. 

Le lendemain, un autre assaut a visé un camp militaire et l’aéroport de Tombouctou, ville emblématique du nord du Mali, autrefois occupée par les djihadistes en 2012. L’armée malienne a annoncé avoir neutralisé 14 assaillants et interpellé 31 présumés terroristes lors de cette opération. 

Parallèlement, le 5 juin, un poste de sécurité militaire à Mahou, dans le sud du pays, a été attaqué, faisant 5 morts et 10 blessés, selon des sources locales. Face à cette escalade, les autorités militaires ont renforcé les mesures sécuritaires, imposant des couvre-feux dans plusieurs régions, notamment à Tombouctou, Ségou, Dioila et Nioro, afin de limiter les déplacements nocturnes et réduire les risques d’attaques. 

Parallèlement à cette recrudescence des violences, le groupe paramilitaire russe Wagner, présent au Mali depuis plus de trois ans, a annoncé son retrait progressif, affirmant que «la mission est accomplie». Wagner passe le relais à Africa Corps, une nouvelle formation paramilitaire étroitement contrôlée par le ministère russe de la Défense. Africa Corps, également appelé Corps expéditionnaire russe (CER), a commencé à déployer ses premiers contingents au Mali dès décembre 2024. Aujourd’hui, ce groupe compte environ 1500 hommes, dont 70 à 80% sont d’anciens mercenaires de Wagner, rejoints par de nouvelles recrues plus jeunes. Contrairement à Wagner, qui bénéficiait d’une certaine autonomie et d’une gestion opaque, Africa Corps est une structure plus rigide, centralisée et directement supervisée par Moscou. C’est désormais le ministre russe de la Défense qui pilote les opérations sur le terrain. 

Guerre en Ukraine, Moscou délaisse Bamako


Cependant, le récent revers militaire essuyé par la Russie face à une offensive ukrainienne d’envergure et la riposte qui s’annonce pourraient repousser les besoins sécuritaires du Mali au dernier plan dans l’agenda militaire russe. 
Si le gouvernement de Bamako affirme contrôler administrativement l’ensemble du territoire, la réalité du terrain reste marquée par une insécurité chronique et la persistance de zones où l’Etat peine à imposer son autorité. 

La communauté internationale suit avec attention cette transition qui pourrait entraîner une nouvelle vague d’instabilité, notamment dans le centre et le nord du pays, où les groupes djihadistes restent très actifs. Bien que l’armée malienne continue de mener des opérations ciblées contre les groupes armés terroristes, rien ne présage une éventuelle amélioration sécuritaire. 

En effet, les frappes aériennes qui ont été menées récemment contre des refuges terroristes dans les régions de Mopti et Douentza n’ont pas infligé d’importantes pertes aux insurgés. Alors que ces actions s’inscrivent dans une stratégie de pression constante visant à désorganiser les réseaux djihadistes et à protéger les populations civiles, l’insécurité règne toujours dans le pays. 

Les forces armées maliennes n’ont également pas fait preuve de réactivité lors des récentes attaques, notamment à Mahou, où elles ont peiné pour contrer un assaut terroriste. Ces interventions témoignent d’un engagement faible des militaires, des moyens souvent limités et un contexte sécuritaire extrêmement complexe. 
Au-delà du volet sécuritaire, le Mali est confronté à une crise politique profonde. Depuis le coup d’Etat de 2020, suivi d’une transition chaotique, le pays peine à retrouver une stabilité institutionnelle. 
Les élections sont repoussées, les tensions entre civils et militaires persistent et la gouvernance reste fragile. 

Cette instabilité politique nourrit un climat propice à l’expansion des groupes armés, qui exploitent les failles de l’Etat pour étendre leur influence. 

Par ailleurs, les relations avec les partenaires internationaux, notamment l’Algérie et les organisations régionales, sont tendues, compliquant la coordination des efforts de sécurité. Cette situation est d’autant plus préoccupante que le Mali dépend historiquement de son voisin algérien pour la stabilité régionale.

L’Algérie a été la marraine des accords de paix successifs et un acteur clé dans la gestion des crises maliennes. Sa compagnie pétrolière Sonatrach a des intérêts stratégiques dans le nord du Mali, mais l’insécurité empêche tout développement économique durable. 

Le Mali est aujourd’hui au cœur d’une tempête sécuritaire et politique, exacerbée par l’absence pesante d’un voisin historique, l’Algérie, dont le retrait diplomatique et sécuritaire fragilise davantage la région. Pour que le Mali puisse espérer sortir de la spirale de violences et d’instabilité, un réengagement sincère et constructif d’Alger est indispensable. Sans cela, la paix et la sécurité dans le Sahel resteront un horizon lointain


El Watan (Algérie)